Les tribunaux sont largement critiqués pour leur coût, leur lenteur, leur complexité, etc. Depuis quelques décennies, le système judiciaire promeut d'autres méthodes censées permettre un accès plus souple à la justice, comme la médiation et la conciliation. Ces modes de résolution des conflits, qui existent depuis longtemps et dans toutes les sociétés, sont regroupés sous la nouvelle appellation de « modes alternatifs de résolution des conflits ». En Afrique sub-saharienne, elles sont utilisées depuis de nombreuses années et font l'objet d'une promotion et d'une appropriation intensive par les acteurs de l'aide au développement. Parmi les arguments avancés pour justifier leur développement figure l'opportunité de redécouvrir les formes de justice précoloniales mises à l’écart pendant la colonisation et les premières décennies des indépendances.
Le contexte de la République démocratique du Congo (RDC) semble propice au développement d'une justice dite alternative : le pays est immense, la présence des acteurs judiciaires est limitée, et les pratiques de justice dite traditionnelles ont toujours été vivantes. Cet article propose une approche " bottom-up " avec les acteurs locaux pour saisir la réalité des pratiques de justice locale en RDC et les perceptions de ces acteurs. L'étude adopte une approche transversale en ciblant deux terrains dans des zones reculées du pays : les provinces du Kongo-Central et du Kasaï-Central. L'objectif de l’étude était de comprendre les points de convergence et de divergence des pratiques locales ainsi que d'en identifier les caractéristiques communes. Elle a donc permis :
1. Observer une préférence incontestée pour la justice des cours et tribunaux par les acteurs judiciaires eux-mêmes, alors que les acteurs locaux de la justice (tels que les chefs) sont reconnus par l'État.
2. Le terme de " justice informelle " ne correspond pas à la réalité qu'il est censé décrire, et semble dangereux, dans la mesure où il renvoie à des idéaux standards qui relèvent davantage de représentations dénigrantes que d'une analyse neutre et minutieuse de la réalité des pratiques.
3. Les cours et tribunaux incluent de nombreuses pratiques informelles notamment dans les paiements d'honoraires et créent de l'incertitude. La préférence des législateurs pour les cours et tribunaux par rapport à la justice de proximité semble en conséquence avoir eu des effets négatifs sur l'accès de la population à la justice.
Les mécanismes de justice "informels" et l'importance qu'ils offrent aux communautés et à l'accès à la justice ne peuvent être sous-estimés. En fin, il est nécessaire que les cours et tribunaux judiciaires ainsi que les chefs locaux et traditionnels trouvent un équilibre entre eux afin d'atteindre un plus grand niveau d'accès à la justice pour la population.